NOUS AURIONS DÛ...

 

Une jeune m’a dit : « J’ai l’impression d’être un monstre. J’ai l’impression de ne rien ressentir. »

Ces mots assassins nous concernent tous. Nous sommes tous insensibles à ce que nous découvrons. Nous paraissons tous insensibles au musée de la barbarie et de la mort qui se déplie devant nous.

 

Nous aurions dû pleurer, crier, hurler tout notre désaccord. Tout notre corps aurait dû trembler face au résultat du travail de ces bourreaux. Nous aurions dû mettre un genou par terre et demander d’abréger nos souffrances. Nous aurions dû gifler l’insolence de ces geôliers. Nous aurions dû cracher toute cette haine étalée.

 

Nous n’en avons rien fait.

Nous sommes restés passifs.

Un corps inerte, sans vie, sans réaction.

Nous sommes restés spectateurs de ce théâtre de morts vivants.

Nous sommes restés pantins en panne d’émotion.

 

Nous nous découvrons coupables de non assistance à personnes en danger.

 

Nous nous découvrons sonderkommando prêt à tout pour maintenir notre quotidien si paisible.

Nous nous croyions courageux parce que nous savions.

Nous nous pensions guerriers prêts à en découdre avec notre histoire.

Nous nous imaginions rebelles vainquant l’ennemi.

Nous nous espérions sensibles et compatissants.

 

Nous nous voulions Homme.

 

Et nous voici dans le même camp que les bourreaux. Incapable de réagir. Sans voix. Incapable de nous opposer devant des vitrines et des photos.

Nous nous découvrons les mêmes lâchetés, les mêmes bassesses que les organisateurs de cette mascarade.

 

Ces faiblesses si marquées, si ancrées, si poignantes, nous ont sauvées.

Nous nous sommes sauvegardés, nous nous sommes préservés.

Nous ne sommes pas tombés. Nous sommes restés debout.

 

En regardant la réalité de face, en buttant sur ce mur de non-sens, nous sommes redevenus des Hommes capables de discernement. C’est notre façon à nous de dire « souviens-toi, n’oublie pas ». Ce sont nos seules armes pour empêcher qu’un autre peuple ne soit de nouveau victime de sa différence.

 

À cette jeune qui m’a fait prendre conscience de ma réalité.

 

°°°

 

Herblay, le 13 juin 2013.

Décalage que le personnage peut avoir avec son époque, avec la réalité.

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